Outre les blocs de parement et le granit rouge d’Assouan, les blocs de calcaire ne pouvaient provenir que pour une faible partie de l’environnement immédiat de la pyramide ; les caps ont été rasés, les belles strates de calcaire du plateau ont été exploitées avant de s’attaquer à des carrières ouvertes plus profondes, plus éloignées qui ont fini par être ensablées ou submergées.  Les blocs, de par leur nature, sont destinés à un usage unique et final, faire partie du corps de la pyramide ; l’extraction dont nous ne traiterons pas et le transport posent de grands défis.  Les connaissances actuelles suggèrent que sur de grandes distances, les blocs ont été transportés par bateaux, alors que sur de petites distances, ils ont été transportés sur des traineaux tirés par des hommes.

Au début de la construction, le coin nord-ouest était le centre d’un cercle d’approvisionnement dont le rayon cumulait 230 m pour parcourir la pyramide, de 500 à 1000 m pour atteindre la première carrière en autant qu’elle soit à proximité, plus peut-être un autre 200 m pour circuler dans la carrière.  Une courte distance mesure donc de 1,0 à 1,5 km.  En considérant qu’un faible pourcentage de déclivité vers la pyramide réduirait d’autant le coefficient de friction et que des traverses affleurantes à tous les 60-70 cm dans les sables uniformes empêcheraient l’enfoncement, 40 équipes de 10 hommes chacunes pourraient auraient pu haler 360 blocs par jour de 12 heures.

Ce rythme étant insensé, on peut aurait plutôt pu penser prétendre que 80 ou 120 équipes de 10 hommes chacunes ont halé 360 blocs, à partir de quelques heures avant l’aube et pendant quatre à six heures pour ensuite prendre un repos et retourner en carrière pour tailler, ou dégrossir les blocs.  Cette alternative impose que les blocs ont été dégrossis en carrière avant d’être déplacées par une armée de travailleurs.  À défaut d’autres solutions, c’est encore celle privilégiée.

Quant à l’idée de mouiller le sable pour réduire la friction, il a toujours été connu que l’eau ajoute une force de cohésion aux granulaires, mais cette solution n’est applicable que sur de courtes distances, pour l’ajustement final des blocs alors que l’encombrement des lieux tolère la présence et l’expertise de peu de personnes.  Sur de grandes distances, la quantité d’eau requise nécessiterait plus de personnes qu’il n’en faut pour haler les blocs, avec le risque de transformer certains endroits en bourbiers.  Cette solution, aussi exigeante que la précédente, n’est pas très productive non plus.

Reprenons l’hypothèse que la décision de flotter les blocs était prise depuis la conception, que chaque bloc extrait, en affleurement du sol le long d’un parcours planifié, contribuait à dégager un segment de canal, lequel devait se rendre au site et se poursuivre jusqu’au cœur même de la pyramide.  De là à penser qu’entre Assouan au sud et Gizeh à au nord, des sites d’extraction ont pu utiliser les cours d’eau, les canaux naturels ou creusés dans le sol pour transporter les blocs, il n’y a qu’un pas.  Dans la mesure où les canaux sont chemisés d’argile pour empêcher l’exfiltration, le niveau d’eau est stabilisé par des ouvrages de régulation.

La densité des blocs varie de 2,5 à 2,7 pour une masse volumique de 2,5 à 2,7 t/m3.  Immergés, les blocs sont soumis à la poussée d’Archimède et leur masse résiduelle varie alors de 1,5 à 1,7 t/m3.  Si les blocs avaient pu être accrochés à des éléments flottants pour être transportés, leur centre de gravité aurait été plus bas que le centre de poussée pour assurer la stabilité et c’est l’équivalent de 35 à 40% de la masse qui n’aurait pas requis d’énergie pour son transport ; imaginez cela ramené à l’ensemble de la pyramide.

Nous pensons que deux flotteurs constitués chacun de trois faisceaux de roseaux de 30 cm de diamètre, de 3 m de longueur chacun ont été suffisants pour supporter un bloc immergé dans un canal de 1,2 à 1,4 m de profond.  Ces flotteurs étaient reliés entre eux par deux cordages et maintenus distants d’environ 2 m ; ceinturé de son estrope, chaque bloc, était déposé sur les deux cordages qui s’enfonçaient en rapprochant les deux flotteurs ; les estropes étaient laissées en place et verrouillées par une cheville de 10 cm de diamètre taillée en ogive aux deux extrémités.

Ces blocs auraient ensuite été tirés par peu d’hommes ou des bêtes, de jour comme de nuit à partir d’un chemin de halage, le long du canal, jusqu’au pied de la pyramide en prévision de leur installation.  Un écoulement continu dans le canal, si faible soit-il, aurait suffi à flotter les blocs jusqu’au site de Khéops avec un minimum d’intervention ; tout au plus, de temps à autre, un manœuvre avec une perche réalignerait les blocs dans le canal pour empêcher un embâcle.

 

 

 

 

Pierres

 

Certaines barques utilisées en Égypte ne requéraient que 60 cm de tirant d’eau pour une largeur de canal de moins de 2 m.  D’autres barques ont avaient un tirant d’eau de 1,5 m, comme celle se trouvant encore aujourd’hui au pied de la pyramide.  L’opinion la plus répandue veut que les blocs les plus lourds provenant d’Assouan étaient chargées sur des bateaux à fond plat, descendaient le Nil jusqu’au port au bas de la pyramide, étaient débardées sur des traineaux et tirés, remontés jusqu’à la pyramide.  Les manœuvres de débardages devaient être complexes, c’est pourquoi nous croyons qu’après être parties d’Assouan, les barques empruntaient un canal de dérivation pour atteindre le plateau, rejoindre le canal existant, profiter du courant causé par la déclivité pour se rendre au cœur même de la pyramide.

Le plateau étant habité, la navigation et le halage dont nous avons parlé pouvaient très bien se faire de jour comme de nuit afin de n’accumuler aucun bloc au mouillage ; tout au plus, à destination, les blocs de calcaire en surplus des besoins quotidiens étaient empilés pour créer une rampe du côté sud.  Au fur et à mesure de son élévation, le dessus de la rampe était construit en canal, un aqueduc perché, pour amener les blocs au centre de la pyramide, et surtout en prévision du transport des immenses blocs du noyau.  Au final, cette rampe aurait eu un volume de 140 000 m3, soit le volume pour compléter la pyramide à partir de l’élévation 90 m.

 

 

 

image 10

Dessin : Dany Lavoie

Deco_Bande_02 3 motifs petits
Deco_Bande_02 3 motifs petits
Deco_Bande_03 petit
Website_Design_NetObjects_Fusion