Levage

 

La plate-forme carrée de la pyramide se situait au pied de la déclivité subhorizontale du plateau.  On peut en déduire que les premières couches auraient pu être construites de plain pied en utilisant un remblai extérieur jusqu’à une bonne hauteur, peut-être même jusqu’à la chambre du Pharaon.  Les blocs pouvaient très bien être tirés sur des traineaux ou flottés assez loin sur la plateforme de la pyramide après avoir construit les côtés d’un canal et scellé celui-ci.  Une fois le canal construit, il suffisait d’en rehausser les côtés, les sceller et ajouter des blocs au fond pour que le niveau d’eau remonte jusqu’à la couche suivante.

Une bille de 15 cm de diamètre, de 1,5 m de longueur pèse 18,6 kg ; on présume qu’il en faut au moins cinq pour déplacer un traineau de 2 m de long, chargé d’un bloc de 2,5 t et qu’à tous les 70 cm chaque bille est portée de l’arrière à l’avant du traineau afin que celui-ci puisse rouler de façon continue.  Cette opération requiert de trois à cinq hommes pour le transport des billes, autant pour le halage du traineau en terrain plat et peut-être le double en terrain incliné alors que la charge doit être bloquée en montant pour empêcher son recul et retenue en descendant pour éviter l’emballement.  Donc l’utilisation de billes peut être envisagée pour de très courtes distances, mais doit être écarté pour de moyennes et grandes distances.

Pour déplacer les blocs d’une couche à l’autre, on pouvait très bien construire un plan incliné, utiliser des potences ou des poutres en porte-à-faux pour de courtes distances à l’intérieur de la plate-forme en cours.  Toutefois, il est impensable de construire des rampes extérieures ou intérieures continues, de la base au sommet, pour monter des blocs.  Des pentes de 2 % et 7 % auraient des longueurs respectives de 5,8 et 1,7 km jusqu’à 110 et 120 m de hauteur, ce qui est physiologiquement et techniquement impossible.  Nul ne peut haler sur un cordage qui lui écrase les épaules, comprime sa cage thoracique et réduit sa respiration sur un long trajet, pendant des heures, en plein soleil, encore moins pendant des mois et des années.

Un moyen simple et efficace pour déplacer les blocs d’une couche vers une autre, sus-jacente ou sous-jacente, consiste à utiliser une potence fabriquée de deux troncs d’arbres entiers, liés, épissés sur 1,5-2 m de part et d’autre au-dessus d’un appui.  Chaque extrémité de l’épissure est entourée d’une corde serrée, un brêlage, sur 60 cm et des coins de bois sont insérés sous la corde, de chaque côtés des troncs, pour la tendre et empêcher la rotation des troncs.  L’appui doit être rudimentaire, disponible ou mobile partout sur la plateforme, compte tenu du nombre de pierres à déplacer.  Il peut être constitué de deux blocs appuyés côte à côte sur lesquels on installe deux autres blocs, tournés de 45 degrés, rapprochés par les coins et laissant une fenêtre de 30 à 40 cm entre les deux ; la tablette de cette fenêtre étant constitué d’une pierre taillée en demi lune pour faciliter la bascule verticale de la poutre composée sur plus ou moins 15 degrés, et sa rotation horizontale jusqu’à 45 degrés de part et d’autre.

 

 

 

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En installant deux poutres liées de 25 à 35 cm chacune dans cette fenêtre, elles sont supportées latéralement tout en ayant une possibilité de rotation de près de 90 degrés.  Un contrepoids, équivalent à la moitié du poids du bloc, est attaché à la partie amont de la poutre de sorte que seulement la moitié du poids est impliqué à chaque levage ; les deux extrémités de la poutre sont équipées de verboquets (câble stabilisateur, tag line) pour faciliter le levage du contrepoids et ensuite du poids.  Cette solution conserve les arbres intacts à moins d’une rupture, auquel cas, ils sont découpés et équarris pour produire des pièces de moindre dimension.

Une estrope, anneau en corde, de trois torons est enroulée autour à l’extrémité des poutres, comme un nœud Prussik, de façon à laisser une ganse pendante, laquelle s’insère autour de la cheville laissée dans l’estrope qui ceinture déjà le bloc.  À partir du moment où la pierre est halée en place sous la ganse, son arrimage, levage, rotation et dépôt sur un traineau au niveau supérieur peuvent se faire en moins d’une minute.  C’est donc dire qu’un bloc pouvait être haussé sur plusieurs niveaux successifs en quelques minutes par une série d’appareils de levage alignés et coordonnés.  On pourrait penser utiliser les appareils de levage par paires, en vis-à-vis, pour réduire d’autant les contraintes sur les pièces, les dimensions de celles-ci, et procéder en plusieurs points de levage sur un même front ou côté.

Les blocs pesant jusqu’à 60 t apportés par bateaux ont pu être laissés sur ceux-ci et flottés jusqu’au centre de la pyramide dans un canal ou une enceinte prévue à cet effet pour plusieurs barques.  Il suffisait d’ajuster la hauteur des murs de l’enceinte et d’ajouter des blocs au fond de celle-ci pour contrôler le niveau d’eau pour amener les barques et leur contenu au bon niveau, au bon endroit.  Cette solution aurait très bien pu s’appliquer jusqu’au niveau de la chambre du Pharaon à l’élévation 42 m, alors que 2 000 000 de blocs ont été mis en place.  Au-dessus de cette hauteur, seules les poutres de levage auraient été utilisées sur plusieurs fronts, de part et d’autre du noyau.

 

 

 

 

Dessin : Dany Lavoie

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