À l’enfoncement de l’apothème en cours de construction vient s’ajouter celui causé par le poids de la pyramide.  Le module d’élasticité des blocs est de l’ordre de 60 GPa et la compression de ceux-ci est négligeable, moins de 5 mm sous le centre de la pyramide ; par contre, la surface de contact entre deux rangées est sûrement contaminée par des grains de sable qui donnent un appui hétérogène de quelques mm d’épaisseur.  L’écrasement de 1 à 2 mm de chacun des 180 joints est suffisant pour provoquer un affaissement de plus de 200 mm au centre de la pyramide où la charge est la plus grande et ainsi amplifier l’apothème de chaque face.

Cet écrasement se manifeste en trois dimensions, le maximum se localise au centre au bas de la pyramide pour décroître, couche par couche, en montant vers le sommet.  Dans un même plan, entre deux couches, l’écrasement diminue radialement du centre vers l’extérieur, il est donc plus grand au milieu des côtés orientés selon les points cardinaux, aux apothèmes, qu’aux arêtes.  L’écrasement mentionné précédemment fait en sorte que chaque plan entre les couches forme une cuvette laquelle impose à la fois une rotation verticale et un glissement vers l’extérieur aux blocs sus-jacents.  Cette rotation est visible aux joints horizontaux sur les faces des parements intacts, comme sur la pyramide de Khephren.

L’écrasement des joints, dans le cas de rotation empêchée ou d’un ajustement trop serré, aurait très bien pu provoquer un cisaillement progressif du parement, un laminage sous-jacent à la paroi, à commencer par la base, au centre de côtés où la contrainte verticale est la plus importante et la distance du centre moyenne.  Les arêtes, quant à elles, plus éloignées et moins chargées, se cisailleraient moins rapidement.  Ce cisaillement se serait ensuite étendu vers le haut tout en réduisant sa progression avec la réduction de charge verticale pour se terminer le long des arêtes, moins sollicitées.  C’est peut-être la raison pour laquelle la pyramide de Khephren a conservé son parement à la partie supérieure, bien qu’endommagé.

Ce laminage aurait provoqué le décollement progressif de la paroi, la détérioration du fini et perturbé le courant ascendant qui serait devenu diffus; du même coup, la pyramide aurait perdu sa vocation première pour devenir un monument.

Apothème

Dessin : Dany Lavoie